Voici une toute nouvelle rubrique : DIASPO ! Car il est vital pour l’Afrique de créer des ponts avec ses diasporas pour se retrouver elle-même…
Binta raconte: ici au Sénégal, toute cette période charnière pour la femme africaine, du moins à l’époque de la naissance de mes filles (il y a plus de trente ans) était encore une affaire de femmes. Je crois que la pratique existe encore mais se perd peu à peu. Durant ces années-là, les hommes ne pouvaient même pas espérer participer (sourire). Ils n’étaient pas conviés. Les femmes de la famille du côté du mari s’occupaient de tout, et prenaient en charge le bien-être et le confort de la future maman.
Tout était fait pour faciliter la vie des futures mamans durant la gestation, et également après, lorsqu’elles sont devenues de jeunes mamans. Bon des fois, elles sont un peu envahissantes, mais c’est généralement fait avec bienveillance et souci de montrer son amour à la nouvelle venue qui vient d’offrir à tous un nouveau membre à la famille. La sororité par excellence. Je m’en souviens encore…
«En début d’après-midi, je marchais dans les rues torrides de Dakar. Mon énorme protubérance à l’avant de mon corps m’empêchait de marcher avec féminité et grâce comme je l’aurais voulu mais qu’on me dévisage ou pas, je m’en moquais, j’étais enceinte. La sueur dégoulinait de mon dos et mouillait mes habits. Impossible d’échapper à la chaleur.
Lire aussi Darksin contre Lightskin
Je me rendais chez ma belle-sœur qui habitait à quelques pas de là. J’étais à terme donc je voulais marcher car tous le conseillaient : le médecin, les femmes de la famille déjà mères… Chez ma belle-sœur, ma belle-mère m’y attendait aussi avec sa dernière-née. Trois femmes fortes, au petit soin. Elles avaient lâché leurs occupations personnelles pour être là. Pour moi!
Quand je suis arrivée, elles m’ont conduitent dans l’une des chambres de l’habitation afin de m’aider à me déshabiller, car je n’atteignais plus mes pieds et elles le savaient. Une fois nue, elles m’ont amenées dans l’arrière-cour de la maison, à l’abri des regards, où elles avaient disposé une grande bassine d’eau tiède dans laquelle je me suis assisse. A côté, sur le sol, il y avait trois petits seaux d’eau. Le bain était à chaque fois pour moi un moment de détente, d’échanges et de plaisir incomparable. Je prenais vraiment mon pied !
Durant des moments qui m’ont paru des heures, elles m’ont massées le corps avec des huiles locales aux senteurs de noix de coco et de baobab, et m’ont baignées avec de l’eau parfumée. De là où je me trouvais, je voyais les fleurs flotter à la surface de l’eau. Nous parlions surtout du futur enfant, on imaginait ses traits, son caractère, en se basant sur celui de son père, et nous riions beaucoup, aussi. Mon corps lui se détendait dans l’eau et je sentais que mon bébé aussi appréciait. Il se lovait au creux de mon ventre, très calme, comme s’il nous écoutait converser et faisait déjà connaissance avec les membres féminins de la famille.
N’ayant jamais connu cela, j’y étais assez réticente au début quand mon conjoint m’en avait parlé. Ne connaissant pas beaucoup ces femmes de la famille (nous étions installés à Dakar depuis seulement quelques mois), je ne savais pas trop… en plus, je ne voulais pas me mettre à nue devant elle, au sens propre, comme au sens figuré. Au final, je me suis laissée faire parce que j’étais épuisée et que j’étais curieuse de faire cette nouvelle expérience. En plus, au fond, je n’avais rien à cacher.
J’ai su plus tard que ces bains sont de véritables outils de sororité au sein des familles. Ils soudent les femmes d’un même clan qui apprennent à compter les unes sur les autres, par la suite. C’est aussi un bon moyen spirituel de laver et purifier l’âme de la nouvelle venue, avant son entrée dans la famille avec son enfant. Les vies qu’elle a pu vivre, les hommes qu’elle a pu connaitre, toutes les impuretés, fautes et erreurs, tout cela reste dans l’eau, qui est jetée par l suite, après les bains. »