Parce que cette grande dame magnifie les siens, tous domaines confondus. Parce qu’Adjoavi CODJO s’est dit qu’elle ne peut y arriver seule, même si elle parait infatigable. Parce Lénina (son autre prénom) aime aller à la rencontre de différents publics. Cette jeune entrepreneuse togolaise, fondatrice de la marque « Adjoasika Na Mawu » a commencé à associer d’autres entrepreneurs et artisans à son business. Une démarche participative et généreuse, à l’image de la jeune femme. Rencontre.
Née pour briller
L’aventure des vêtements « Adjoasika Na Mawu » nait en avril 2015. Mais bien avant cela, Lénina confectionnait déjà des bagues et autre accessoires en pagne et en perles traditionnelles pour ses proches, sur son temps perdu, en parallèle à ses études en droit. « Depuis que je le connais, elle n’a jamais manqué de confectionner des choses par elle-même. Elle entreprend par amour de la chose, c’est inné ! », souligne Carine Koutremon, une amie proche de la créatrice. Puis, elle reçoit une grosse commande du Sénégal : réaliser et livrer 100 bagues, à l’occasion de la fête des mères. L’étudiante venait d’avoir 25 ans. « Je rédigeais mon deuxième mémoire en année master en droit des affaires et fiscalité et je travaillais comme assistante de direction dans une entreprise à Abidjan. A la base j’arrivais à faire à peine 2 bagues par jour, là j’avais moins d’un mois pour en réaliser 100… Je travaillais à ma pause, les mains planquées sous mon bureau et je mettais les bouchées doubles les week-ends. Après cette 1ere grosse opportunité, j’ai pris conscience du potentiel que j’avais. » Bosseuse, Adjoavi mène une double vie durant 4 ans, avant de se consacrer à la création, sa première passion.
Dès lors, l’entrepreuneuse née un lundi de janvier 1988[1], ne cesse d’évoquer son créneau : l’Afrique a de la valeur. A l’époque, pour embrasser cette nouvelle carrière, sa motivation première était l’envie de paver d’or l’image de l’Afrique : « tant de misères y sont vécues alors même que tant de bonnes choses viennent de chez nous Je trouvais cela injuste, d’où mon envie de révolutionner les mentalités ou tout au moins d’y contribuer ! Il est important de s’auto-valoriser, de cultiver l’excellence qui est en soi », affirme la créatrice.
Une nouvelle vie, sans remords
Des regrets de sa vie d’avant ? Cette perfectionniste n’en a pas. « Lorsque je faisais du droit en entreprise, certains jours, je n’avais pas envie d’y aller, mais depuis que je travaille à mon compte, je me lève chaque matin, avec la motivation au top, même quand je suis épuisée et stressée ! » Et pourquoi la jeune femme aurait des complexes ? En quelques années, elle a très bien su se fondre dans son pagne d’entrepreneuse.
En Septembre 2016, Lénina s’envole pour les Etats-Unis pour quelques semaines, dans le cadre du programme AWEP[2], qui s’appuie sur l’un des mécanismes relatifs à l’AGOA[3] Il s’agit de la loi sur la croissance et les opportunités de développement en Afrique, qui permet aux pays de l’Afrique subsaharienne d’exporter des produits éligibles, sur le marché américain, sans droit de douanes. « Cela m’a beaucoup appris sur la meilleure façon de présenter nos produits, le process, l’étiquetage, la présentation en vitrine (physique ou virtuelle), la communication, la composition de nos produits et comment conquérir un marché étranger » se rappelle-t-elle. Elle en revient des étoiles plein les yeux.
Une amoureuse de la culture togolaise
Intelligente et observatrice, la jeune togolaise compte bien tirer profit de cette opportunité dont elle a pu bénéficier. « J’ai appris que l’une des conditions siné quanone pour entrer sur le marché américain est de répondre aux normes. Pour cela, il me faudra une meilleure expertise, une constance de production et une maitrise de la commercialisation » analyse cette « pagneuse »*. Des améliorations sur lesquelles la jeune femme s’attèle déjà. Et l’un de ses vœux va d’ailleurs dans ce sens : voir un jour son pays se doter d’un institut de certification aux normes internationales. « Notre pays est en retard en termes de normes. Ici, nous avons l’itra(1) et l’icat(2) qui contrôlent les conditions dans lesquels certains produits sont faits mais cela ne suffit pas. Ainsi, les entreprises qui le peuvent passent par le standard board ghanéen mais les retombées économiques ne bénéficient alors pas au Togo. »
Ainée d’une fratrie de trois enfants, et du haut de son mètre 75 centimètres, son esprit vif et consensuel la pousse toujours plus loin, avec de nouvelles idées. La jeune dame au caractère jovial et déterminé sait ce qu’elle veut. Pour elle, comme pour la culture togolaise : « on ne la vit pas toujours cette culture, ou si on la vit, on n’arrive pas à la promouvoir comme elle se devrait. C’est dommage ! » Une manière de faire à laquelle Adjoavi compte pour sa part remédier, au vu de ses projets futurs qui germent déjà. « Il faut apporter à l’entreprenariat togolais une plus grande culture de la solidarité et de l’humilité. » L’humilité, cette battante n’en manque pas. L’heure, sans doute, de laisser la course à l’entreprenariat pour tisser des alliances fortes avec ceux qui se fait déjà de mieux sur le marché togolais ! Comme le dit l’adage, « seul on va vite mais ensemble on va loin ». Et Adjoasika Na Mawu compte aller très très loin !
L’union fait la force
Un autre addage dont Adjoavi a compris bien l’importance. Pour preuve, Adjoavi n’a pas hésité à travailler avec Chocotogo, la première marque de chocolat local née en 2014, ainsi que Neho Likors, une marque de Liqueur de SODABI[4]. La jeune femme a lancé une autre marque pour créer cette synergie : une ligne de friandises de nos grand-mères revisitée nommée « Les Noumévivi de la Dadavi », lancée en février 2016. Céréales, amandes et épices des tropiques: délices pour les yeux et le palais ! Ainsi l’entrepreneuse propose notamment dans sa boutique des truffes au chocolat[5] et aux amandes locales, (certains sont plombés au Sodabi de Neho Likors). Des collaborations inhabituelles et souvent mal vues par certains ? Une démarche nécessaire et indispensable, pour cette native de Lomé !
Sa future idée, proposer des kiosques des « Merveilles du Togo » qui réunirait des produits d’ici issus d’une sélection raffinée ; de là, conquérir les supermarchés, les aéroports et les autres points de passage importants, pour faire valoir le Togo, par ses talents, au reste du monde.
* « pagneuse » expression qui désigne les amoureuses du pagne.
(1) itra : institut togolais de recherche agronomique.
(2) icat : institut de conseil d’appui technique
[1] – Adjoa est le prénom des filles de Lundi, chez les éwé –
[2] African Women Entrepreneurship Program
[3] l’African Growth and Opportunities Act
[4] L’eau de vie
[5] chocolat noir 100% cacao libre togolais de Choco Togo
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