Comment ton aventure musicale a-t-elle débuté ?
Noire Velours : C’est ma tante Huguette qui m’a donné le gout de la musique car elle chante aussi, on partageait des scènes au Bénin. Ce qui a été difficile, au début, pour mes parents, c’est que je veuille lâcher mon job (je suis graphiste de formation et j’ai une agence de communication) pour m’investir totalement dans la musique. Ils craignaient pour mon avenir et c’est normal en tant que parents mais j’ai réussi à les convaincre. J’ai une petite sœur, Urielle. Elle a toujours été ma 1ere fan, elle m’a beaucoup soutenu, elle est fière de moi. Aujourd’hui, j’ai des musiciens géniaux, ils sont pro, ils sont bons, c’est le groupe « Dasséfo groupe » ; ils m’ont beaucoup guidé et aidé. J’étais un peu intimidé au début mais ça se passe super bien, ils ont de la bouteille. Je ne veux personne d’autres pour m’accompagner sur scène.
Pourquoi le titre BLACK IS ?
Noire Velours : Au début, parce que je voulais crier haut et fort ce que je dis, tout simplement. Black is really beautiful. Ce qui m’a touché est ce que le monde extérieur peut penser du noir, de la personne noire, et ce que nous-même nous pensons ainsi que ce que nous devrions penser normalement, c’est-à-dire que la personne noire est aussi capable que les autres. Ma chanson est sans fin, parce que selon sa sensibilité on peut y ajouter ce que l’on souhaite. J’aimerais donc que tout le monde s’approprie cette chanson selon ses désidératas.
Comment t’es venue l’idée d’évoquer la fierté noire ? Pourquoi cette thématique te parle tout particulièrement ?
Noire Velours : Je suis née en France. Et il y a quelque chose qui m’est restée depuis l’enfance, c’est la façon dont les gens pouvaient nous traiter différemment selon la couleur de notre peau. Même entre personnes noires, je remarquais que nous faisions une différence selon la teinte plus ou moins foncée de la peau de l’autre et selon les pays de provenance. J’ai toujours trouvé ça étrange et choquant ! Puis, j’ai frontalement était victime de racisme, dû à ma différence. A mes cinq ans, j’avais une maitresse particulièrement méchante parce qu’elle était raciste, elle se comportait différemment avec moi, et les enfants de ma classe se comportaient de la même manière qu’elle, ne voulant pas jouer avec moi car leurs parents le leur interdisait, du simple fait que j’étais noire. Cela m’a profondément marqué. Maman a alors dit qu’il faut vraiment qu’on rentre en Afrique. Une fois de retour en Afrique, la 1ere chose avec laquelle on m’a accueilli c’était « yovoyovo bonsoir* ». J’étais déboussolée et je me suis dit « ici aussi je ne vais pas être accueillie et intégrée comme je l’aurai souhaité. Je n’avais que 5-6 ans mais j’étais clairement consciente de tout cela. J’ai ensuite quitté le Bénin pour venir m’installer au Togo. Et les discriminations ont continué entre moi et les autres cette fois, selon la couleur plus ou moins foncée de nos épidermes.
Ton morceau fait un peu écho à l’actualité concernant justement des hommes noirs, immigrés clandestins vendus en Libye comme esclave. Cette actualité te touche ?
Noire Velours : Je me sens fâchée parce que cela me renvoie en fait à l’état déplorable de nos pays. Si ces gens lâchent tout pour aller dans un pays qu’ils ne connaissent pas et tombent dans ce genre de piège, c’est que nos dirigeants gèrent mal nos états. Il n’y a pas assez d’opportunités ici pour que chacun trouve sa place, c’est comme un cauchemar lorsque je pense qu’en 2017, il peut se passer des choses de la sorte, je me sens touchée et c’est difficile pour moi d’en parler. J’aurai pu être de ceux-là, ça nous concerne tous. Il est important que nous élevions nos voix pour dire « Stop » car c’est inadmissible.
Dans ton morceau vous évoquez la génération future en disant « qu’est-ce que je vais dire à ma fille ». Pour toi, en quoi est-ce important de transmettre le beau et la fierté d’être noire aux générations futures ? _ Noire Velours : Simplement parce que j’ai été triste de constater que même chez nous en Afrique nous ne sommes pas conscients que le fait d’être noirs ce n’est pas une tare ! Même dans notre génération, on entend tout le temps « ah ! Les blancs sont trop intelligents etc » Nous ne nous sentons pas égaux à eux, c’est grave… J’aimerais arriver à effacer le fait que les africains remarquent qu’ils sont noirs mais qu’ils sont des êtres humains avant tout avec les mêmes capacités que les autres. Que les gens soient conscients que ce n’est pas parce que nous sommes noirs que nous devons être en retard, sale ou paresseux par exemple.
En France, c’est autre chose, j’ai trouvé que les noirs sont très communautaires et je ne comprenais pas pourquoi ? J’ai compris par la suite que c’est le rejet des autres qui les y poussent. A la TV, au journal de 20h par exemple, on parlait des noirs comme d’un fléau, tu restes un noir malgré les diplômes et autres… la société française ne te perçoit que par le prisme de ta couleur de peau et avec les préjugés négatifs qui vont avec. J’ai même connu d’autres noirs qui ne voulaient pas se mélanger avec les leurs de peur d’être associé au mal, au mauvais.. ; Les antillais, eux, pour la plupart, sont racistes contre les Noirs d’Afrique, on n’est pas sorti d’affaire (rire).
Ton style est lui-même « pro black ». Tu es nappy et arborez de nombreux foulards en tissu africains, n’est ce que de l’esthétisme ou est-ce plus profond, plus voulu pour être identifiée comme une Africaine par tous ?
Noire Velours : Mon style est très changeant selon mon humeur, selon ce qui me plait je veux que les gens se focalisent sur ce que je dis donc j’aime me camoufler. Sur scène par contre, j’aime mettre le pagne en valeur avec du cuir, de la dentelle, je ne sais jamais comment porter le pagne mais je veux créer le style néo africain moderne, j’improvise et me fait plaisir. J’aimerais aussi créer dans ce domaine, mettre au goût du jour la consommation du pagne de façon jeune et moderne. Par contre, ma démarche va plus loin au-delà de la mode car je pense qu’il faut que l’on produise nous-même nos pagnes. Cela serait meilleur. Nous nous serons alors vraiment réapproprié notre culture.
Dans ce monde qui est le nôtre et qui vomit l’Afrique, dis-nous pourquoi es tu fière d’être Africaine ? Et pourquoi avez-vous besoin de le clamer à la face du monde, au travers de cette mélodie ? _ Noire Velours : J’ai un peu parcouru l’histoire du Bénin dont mes parents sont originaires, à l’époque de Béhenzin, et ai découvert une culture riche avec des procédures, de l’or, une administration bien organisée etc. On était en avance et je trouve que c’est à célébrer mais à l’école, on ne nous apprend que l’esclavage, comme s’il n’y avait que cela qui avait compté (soupir) c’est dommage ! Cela a été une démarche personnelle encouragée par ma mère qui est très proche de sa culture. C’est elle qui m’a communiqué l’envie d’en savoir plus sur mes ancêtres. J’étais en fait à la quête de « qui suis-je ? » Nous avons tant de richesses perdues qu’il serait tant que nous arrêtions de vouloir s’approprier la culture des autres, et que nous redécouvrions la nôtre. Il y a beaucoup de beautés dans l’art et les langues africaines. Nous avons un continent magnifique. Je pense qu’il nous faut mieux nous connaitre pour mieux nous aimer.
• Yovoyovo bonsoir : Expression usuelle pour dire bonjour aux visiteurs étrangers Occidentaux.
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