Deuxième fils d’une lignée de griots, M’Bouillé Koité, lauréat du Prix découvertes RFI 2017, tombe amoureux de la musique dans ses jeunes années. Il voulait être footballeur, il sera chanteur. C’est grâce à son oncle, lui-même lauréat de ce même prix en 1993, qu’il apprend la guitare, avant de fréquenter l’institut des arts de Bamako. Plus tard, son mentor, Tiken Jah Fakoly, l’incite à postuler au concours. Ses chants en Bambara, sa voix et son charisme émeuvent et transportent, forcément. Comme une évidence. Après sa descente de scène – il s’est produit à l’Institut Français du Togo (IFT), à Lomé, ce vendredi 04 mai 2018 – il a accepté de répondre à quelques questions. Interview.
Ta musique tire sa source de la tradition griotique et mandingue, tout en y mêlant des sons plus modernes, ce qui est assez inédit dans l’univers musical actuel. Penses-tu que ce sont ces atouts rares qui t’ont permis de décrocher le prix découvertes RFI en 2017 ?
Ce qui est sur c’est qu’il n’y a pas de hasard, et l’art n’a pas de frontières, je chante dans ma langue, le Bambara, mais cela parle à des gens qui ne la comprennent pas. Je ne suis donc pas lauréat pour rien, j’ai beaucoup travaillé pour en arriver là, comme pour toute chose que tu veux atteindre. Le fait d’allier tradition et modernité c’est ma force car je suis issu de ces deux univers et cela plait au public.
Tu es sur les traces de ton parent qui a lui-même remporté le Prix découvertes RFI il y a plus de 25 ans. La musique c’est innée dans ta famille ?
Oui, j’aime à dire que le prix est revenu dans la famille (sourire) c’est une lourde responsabilité et un honneur. C’est vrai que j’ai baigné dans la musique depuis tout petit. Chez nous, la guitare sonnait tout le temps. De plus, maman (comme papa d’ailleurs) était fonctionnaire mais également griotte. C’est vrai que lorsque j’étais jeune j’ai un temps été attiré par le sport mais je me suis vite retrouvé avec une guitare en mains, comme une évidence. C’est la beauté de l’Afrique que j’aime, nous vivions tous ensemble dans la cour commune, avec de la musique partout, c’est ce qu’a été mon éducation et j’y tiens.
Grace à ce concours, tu jouis aujourd’hui d’une toute nouvelle exposition médiatique, comment gères-tu cette nouvelle notoriété ?
Il faut seulement rester humble. Là encore, c’est une question d’éducation. Elle m’a toujours appris à garder la tête froide même si c’est toujours dur parfois d’être loin de sa famille, on gère! C’est vrai qu’être lauréat m’apporte d’être connu par pas mal de personnes aujourd’hui mais je faisais déjà des concerts aux USA et en France avant cela. Je me suis battue pour ma musique, afin de parvenir au niveau que vous découvrez maintenant. Donc cette exposition médiatique n’est que la suite logique d’années d’acharnement au travail.
Lors du concours du Prix découvertes RFI, le président de ton jury était Singuila ? Raconte-nous un peu ta rencontre avec cet artiste et qu’est ce que cela te fait d’être lauréat ?
J’ai rencontré Singuila pour la 1ere fois grâce à ce concours, ce fut un bon choix de jurys à mon avis. De mon point de vue, c’est une chance, mais ce n’est pas M’Bouillé Koité qui a gagné mais c’est l’Afrique entière qui gagne, je le dis souvent car cela me tient à coeur, c’est tout le continent qui a gagné à travers moi. Je rêve d’une Afrique unie et je pense que c’est tout à fait réalisable, c’est aussi ce que mes chansons racontent. Il faut arrêter de penser à l’Occident comme à un Eldorado, il vaut mieux rester chez soi et se construire ici, auprès des siens.
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Sur scène, tu es très complice avec tes musiciens, notamment ton percussionniste…
J’ai commencé avec lui, comme avec toute ma bande, nous sommes très complices. Nous jouons ensemble depuis 8 ans, mon groupe c’est ma famille, mes frères. C’est important d’être avec des gens qui te comprennent pour aller dans la même direction et avoir un bon esprit de groupe. Aujourd’hui, beaucoup ont tendance à voir l’argent et à le placer devant, c’est une erreur. Le boulot fait l’argent et il vient forcément après que les efforts fournis soient reconnus, et non l’inverse.