Manouchka Youssef est une jeune dévoreuse de livres. Quand elle ne travaille pas dans l’industrie alimentaire, cette âme curieuse trentenaire s’occupe entre autres du club de lecture qu’elle a fondé à Lomé, au Togo, il y a quelques mois, « Le Colibri » pour donner envie à tous de lire davantage, de s’auto-challenger et d’échanger sur de nombreux sujets de société. Rencontre.
Selomcrys : Pourquoi as-tu voulu créer un club de lecture à Lomé ?
Manouchka : J’ai toujours été férue de lecture. Je traîne dans les librairies dès que je le peux. Pendant mes études universitaires, j’ai été obligée de réduire la cadence pour me consacrer à ma formation mais depuis que je travaille, j’arrive à mieux gérer mon temps et j’ai réussi à pleinement renouer avec le vice (rires).
Un jour, par simple plaisir, j’ai commencé à partager mes lectures sur mon compte Instagram. Au bout d’un certain temps, j’ai commencé à recevoir régulièrement des questions de personnes me demandant quelle était mon organisation pour réussir à avoir du temps libre et pouvoir lire autant.
C’est d’abord pour partager avec d’autres personnes cet intérêt commun autour du livre que j’ai entrepris de créer ce club de lecture, mais également pour aider les membres adhérents à se prouver à eux-mêmes qu’avec un peu de volonté et d’organisation, ils peuvent trouver du temps pour faire ce qu’ils aiment, et dans le cas présent, pour lire. J’en profite d’ailleurs pour remercier encore une fois les personnes qui ont été là pour m’encourager dès le départ, elles se reconnaitront.
Selomcrys : Pourquoi le choix d’un colibri pour ce club ?
Manouchka : Le colibri est un oiseau que j’aime beaucoup. Il est multicolore et vraiment très beau. Malgré sa petite taille, il peut faire énormément de bruit. A mes yeux, toutes ces couleurs représentent la diversité des membres du club de lecture. Le bruit que fait le colibri quant à lui, peut représenter je l’espère un jour, l’écho que fera le club de par ses activités et son impact sur la société.
Selomcrys : Qui peut fréquenter ce club ? Quelles sont les conditions de fréquentation ?
Manouchka : Il n’y a aucune distinction de sexe, de religion, d’orientation sexuelle. Si vous êtes amoureux comme moi des livres ou souhaitez vous en rapprocher, si vous avez envie de partager avec d’autres personnes sur des lectures, de discuter et d’échanger, de passer un bon moment que j’ai envie de qualifier de “fun et intelligent”, vous pouvez nous contacter. Les seules conditions requises : être respectueux du prochain et ouvert d’esprit. Je pense que ces deux conditions restent indispensables.
Selomcrys : Quels livres avez-vous déjà eu l’occasion de lire au club ?
Manouchka : Le club est très jeune, et la liste de livres encore courte. Toutefois je peux déjà vous citer “Une si longue lettre” de Mariama Bâ choisi pour la première rencontre, et “Candide” de Voltaire pour la dernière rencontre. J’ai effectué ces choix parce que c’est important de ne pas avoir peur de lire un peu de tout. De la littérature africaine oui, parce que nous souhaitons (re)découvrir notre patrimoine littéraire africain. Mais aussi voir ce qui s’écrit sous d’autres cieux, ce qui est étranger à nous et nous enrichir de cela. En tout cas, une chose est sûre, nous ferons tout ce qu’il faut pour diversifier nos lectures.
Selomcrys : Qu’est ce qui te motive à lire, à titre personnel ?
Manouchka : Les expériences vécues à travers tous ces mots, toutes ces phrases, tous ces paragraphes, à travers toutes ces histoires, n’ont pas de prix ! Lire, c’est une façon de voyager, de s’évader, de rencontrer de nouvelles personnes via tous ces différents personnages. C’est la joie de toujours apprendre de nouvelles choses, de découvrir. Je ne m’en lasse pas! C’est un vrai plaisir. Et puis les livres sont des objets que je trouve spécialement beaux (sourire).
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Selomcrys : Qu’est-ce qui te pousse à motiver d’autres à lire ?
Manouchka : Comme je le disais plus haut, je pense que d’abord, c’est l’envie de prouver à ceux qui le souhaitent vraiment, qu’ils peuvent lire, qu’ils peuvent trouver le temps de le faire. Parfois dix ou quinze minutes par jour suffisent à faire la différence. Et puis, lire fait aussi du bien dans cette vie où nous sommes très, voire trop connectés, toujours très occupés. C’est se donner un peu de temps pour souffler et se changer les idées. Pour certains ça peut être une série, un film, une balade, pourquoi pas un livre pour d’autres ?
Selomcrys : Que représentent les livres dans ta vie ?
Manouchka : Ils représentent vraiment beaucoup à la fois. Ils me nourrissent, me font voyager, m’apprennent tout le temps de nouvelles choses, m’appellent à me remettre en question, m’amènent à m’interroger sur la vie, etc. Les livres sont un réservoir de connaissances de tout genre. Et surtout, ils nous permettent d’entrer en contact avec tous ces auteurs d’une manière ou d’une autre, de découvrir des univers différents. Si je devais synthétiser, les livres sont de vraies bulles d’oxygène pour mon esprit.
Selomcrys : Quels livres aimais-tu déjà lire plus jeune ?
Manouchka :Un grand merci à mon tendre papa! C’est lui qui m’a toujours mis des livres entre les mains. Il m’encourageait beaucoup. Et quand il me voit lire encore aujourd’hui, il est toujours aussi content. Comme un peu tous les enfants, pour moi il fallait qu’il y ait des dessins, de jolis dessins ! Tintin, Les Schtroumpfs, La bande à Picsou qu’on s’échangeait à la récréation, ou encore les “J’aime lire” bien sûr. Et tout ce que je pouvais trouver de sympathique. J’allais souvent au Centre Culturel Français à l’époque pour y emprunter des livres. Je suis également passée par une phase Adoras et Harlequin (rires) !
Selomcrys : Lis-tu tout type d’ouvrages ou as-tu un goût particulier pour un certain type de livres ?
Manouchka : Il fut un temps c’est vrai, je ne lisais que des romans. Maintenant j’essaye vraiment de diversifier. Cependant, mes favoris restent les romans de société, les livres de développement personnel et les livres historiques (surtout sur l’Afrique, ils sont passionnants et je trouve que nous n’en lisons pas assez en tant qu’Africains).
Selomcrys : On dit souvent que le lecteur est un écrivain en devenir, ou du moins qui aimerait aussi s’essayer à l’écriture. Est-ce que c’est aussi ton cas ?
Manouchka : Pour être franche, je me cherche encore… Mais c’est vrai que j’ai le profond désir d’écrire quelque chose. C’est un vieux rêve qui ne cesse de me trotter dans la tête. Je pense que le bon moment se présentera lorsque je me sentirai prête.
Selomcrys : Comment vois-tu ce club dans deux ans, cinq ans ?
Manouchka : Je vous fais une confidence personnelle : j’ai de plus en plus de difficulté à me projeter dans l’avenir. Mais dans deux ans, j’espère toujours des rencontres régulières, intéressantes et enrichissantes. Dans cinq ans, je ne sais pas encore, c’est loin certes, mais je souhaite profondément la réalisation d’actions concrètes de sensibilisation aux bienfaits de la lecture auprès d’un public varié. J’espère en tout cas pouvoir accomplir de belles choses avec l’aide et la présence de chacun des membres du Club. A plusieurs, on va toujours plus loin!