Diariata N’Diaye se définit volontiers comme une activiste engagée dans la lutte contre les violences faites aux filles et aux femmes. Elle travaille dans ce domaine depuis plus de dix ans ! Son action apolitique et indépendante est attachée à ses valeurs laïques, solidaires et démocratiques. En 2015, elle fonde l’association « Résonantes », qui a su se doter de moyens d’actions innovants et dynamiques afin d’atteindre efficacement ses objectifs et son public. Avec cette association – espace de création et de diffusion d’outils de sensibilisation et d’expression – elle a pour objectif d’informer les 15/24 ans sur ces questions et de mettre à disposition des victimes des outils pour faciliter toutes leurs démarches de recherche de solutions. Volontaire et déterminée, cette dame a plus d’un tour dans son sac pour lutter aux côtés des femmes victimes. Malgré un planning chargé, Diariata a accepté de répondre à quelques-unes de mes questions, notamment sur ce nouveau dispositif qu’elle a conçu : le bracelet anti-viol. Au-delà des discours et du folklore, pour cette nouvelle journée internationale des droits de la femme, je voulais aujourd’hui donner la parole à un modèle à mes yeux qui agit beaucoup donc s’exprime moins… Zoom.
Selomcrys : Depuis quand t’intéresses-tu à la problématique des violences faites aux femmes ?
Diariata N’Diaye : Je travaille sur ces questions depuis plus de 10 ans via mes spectacles de slam et les ateliers d’expressions que je propose aux différents publics. Lors de ces interventions, les langues se délient avec une facilité déconcertante. Ceci est le signe à mon sens, du manque d’espace proposé pour aborder ces questions. Lorsqu’on s’engage dans une cause, c’est souvent parce que celle-ci nous fait écho. Comme beaucoup de personnes, j’ai été victime de différentes violences étant jeune et c’est le fait de réaliser que les choses avaient très peu changé qui m’a décidé à m’engager.
Selomcrys : Te définirais-tu comme une féministe ? Et si oui ou non, pourquoi ?
La plupart des personnes sont des féministes qui s’ignorent. Être féministe c’est être pour l’égalité entre les femmes et les hommes donc je suis féministe et les actions que je porte le sont. J’ai un immense respect pour les militantes féministes qui font avancer politiquement nos droits et s’expriment publiquement pour faire avancer le combat. Elles sont moquées et se font insulter sur les réseaux sociaux tous les jours mais résistent en toutes circonstances. Je n’ai pas la force qu’elles ont et suis admirative de leur force de conviction.
Selomcrys : Tu as créé une application et un bracelet anti-viol. Peux-tu nous expliquer comment ces outils fonctionnent ?
Je ne prétends pas que l’application « App-Elles » et son bracelet peuvent être définit comme « anti-viol » ou « anti-violence ». Cette application n’empêche pas les violences et ne doit pas être considéré comme tel. Je suis parti du fait que les violences existent et que des personnes en sont victimes. En attendant de les faire reculer, notamment par le biais de l’éducation, chose que nous faisons avec « Résonantes« , nous proposons des outils concrets pour ces victimes. L’idée c’est de centraliser l’accès aux solutions dans une seule application gratuite. Elles peuvent déclencher une alerte, via le bracelet connecté aux d’autres mode de déclenchement et permettre à 3 personnes de confiance d’entendre en direct ce qu’il se passe et d’avoir le suivi de la position GPS en temps réel. Ces personnes de confiance sont en charge de contacter les secours et de leur porter assistance sans prendre de risques pour elles-mêmes. Toutes les alertes émises sont enregistrées et peuvent servir aux victimes si elles s’engagent dans une procédure judiciaire. « App-Elles » permet également de rentrer en contact avec les associations locales et nationales d’aide aux victimes, de rechercher des structures comme les hôpitaux, les gendarmeries et toutes les portes d’entrées possibles pour les victimes, d’accéder à la plateforme de signalement en ligne mise en place par le gouvernement, s’informer sur les violences et les conséquences….
Selomcrys : Comment t’es venu cette idée d’allier de créer ce bracelet et cette application ?
Il a été évident pour moi de passer par les téléphones des gens, car quasiment tout le monde en possède un. Le bracelet est disponible depuis août 2018 pour faciliter le déclenchement de l’alerte. On n’est pas toujours en mesure de sortir son téléphone en cas d’agression donc l’idée est de permettre un déclenchement simple, rapide et discret de l’appelle à l’aide. « App-Elles » existe depuis 2015 et c’est la première application pensée pour les femmes victimes de violences. Mon application a par ailleurs reçu de multiples récompenses, la dernière en date étant l’Innovation Award catégorie « Tech for a better world » du CES 2019, salon international de la tech qui se déroule à Las Vegas.
Selomcrys : Quels sont les retours de tes premières clientes ? Et de ceux du public ?
A ce jour, nous avons 8000 téléchargements pour 800 utilisations par mois en moyenne. Les retours sont positifs et nous recevons beaucoup de messages de remerciement et quelques témoignages d’utilisatrices. Nous savons également qu’il y une urgence à rendre « App-Elles » disponible sur Iphone et nous y travaillons sans relâche.
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Selomcrys : Ces deux produits de sensibilisation et de protection sont assez novateurs. Comment les as-tu financés ?
La première version d’ « App-Elles » a été financée par mes fonds personnels et ne ressemble en rien à la version actuelle. Pour arriver à la version actuelle, il a fallu l’engagement d’entreprise comme Capgemini, iAdvize, WaryMe et Odiwi sur du mécénat de compétence. La fabrication des bracelets a été rendue possible grâce à une campagne de financement participatif sur Helloasso, nous avons collecté près de 80000 euros. C’est le grand public, des entreprises privées, des prix remportés et la région Pays de la Loire en France qui ont permis cette belle réalisation. Nous aurions aimés obtenir des financements publics pour ces outils mais, mis à part la participation de la déléguée à l’égalité entre les femmes et les hommes des Pays de la Loire et la déléguée départementale du Var en charge de ces questions, cela n’a pas été le cas.
Selomcrys : Tu travailles aussi au sein de l’association « Résonantes », parle-nous un peu des activités de ce groupement?
L’idée de « Résonantes » c’est de sensibiliser et d’informer les 15/24 ans sur ces violences. Pour cela, nous créons des outils attractifs et adaptés à ce public. Nous avons 2 spectacles de slams, »Mots pour Maux » et « Il était une Voie » et une exposition interactive « Fais pas genre » reliée à une application, et enfin le site d’information www.resonantes.fr, qui est très graphique. Pendant ces sensibilisations, de nombreuses victimes se livrent et nous les orientons vers les structures adaptées. L’autre axe de « Résonantes » et donc de mettre à disposition des outils leur permettant d’être pris en charge par des professionnel(les). C’est ce que fais l’application « App-Elles » et notre carte interactive « Once Upon A Map » qui recense à ce jour plus de 900 structures nationales et internationales.
Selomcrys : A part la militante qui lutte pour la défense des droits des femmes, qui est Diariata N’Diaye ?
Je suis mariée et mère de 3 enfants âgés de 8 ,5 et 4 ans et j’ai la chance d’avoir une famille nombreuse. Y’a de quoi faire ! Mon cœur et mon temps leur est consacré. Je suis très épanouie dans ma vie personnelle et professionnelle et suis fière de pouvoir concilier les deux. Et dans la vie j’aime lire, manger, écouter de la bonne musique… etc e dernier livre que j’ai lu est « Petit pays » de Gael Faye, j’ai eu la chance de l’avoir reçu dédicacé pour mon anniversaire alors j’ai vraiment pris le temps de le lire et surtout de le finir, contrairement aux précédents livres entamés ! Pour ce qui est de la nourriture, j’ai un vrai problème avec la junk-food ! J’adore ça malheureusement. Mon plat préféré restera le poulet rôti de ma maman chérie. Musicalement parlant, je suis fan de rap et de chanson française. Mon rappeur préféré restera Jacques Brel même si en ce moment le rappeur Sofiane partage mes nombreux trajets en voiture !
Selomcrys : Des projets futurs dont tu aimerais partager avec nous ?
Pour faire un peu de suspens, je vous invite à découvrir mes projets actuels et futurs sur le site www.association.resonantes.fr ou en me suivant sur les différents réseaux sociaux.