Koudjouka Abire Braly, plus connue sous le nom de Bk Reine via les réseaux sociaux, est une jeune doctorante en Droit Bancaire à l’université de Poitiers. La jeune femme très dynamique de 23 ans blogue également (ici www.bkstalks.com) car elle aime beaucoup secouer les mentalités, partager son expérience, échanger sur divers sujets de société et surtout motiver tout un chacun à se bouger pour avancer dans la vie. Elle est également fondatrice du projet social et éducatif « Level’up Togo », qui vise à aider les jeunes togolais à mieux s’orienter dans la vie estudiantine.
Selomcrys : Présente-nous ton association ?
Bk Reine : Le projet « Level’up Togo » a été créé officiellement le 8 février 2018. Mais c’est un projet qui murissait dans ma tête depuis 2016 -2017, mais j’hésitais à le créer, je me disais justement que ce serait compliqué à mettre en œuvre, avec le fait aussi que je vive en France et que le projet soit pour le Togo etc… Honnêtement ce projet n’aurait jamais vu le jour si je n’avais pas été entourée de personnes comme mon meilleur ami qui m’ont presque forcé à mettre sur papier ce que je leur expliquais. Le projet a pour but principal de créer un pont de partage entre des « aînés »et des « cadets » dans divers domaines, afin qu’à travers un partage d’expériences, les « cadets » puissent mieux s’orienter, puissent mieux entrevoir l’après-classe. En annexe, ce projet va participer à améliorer les conditions dans le domaine de l’éducation au Togo. Le projet a pour cible les élèves et étudiants du Togo en général, mais j’ai commencé les premières réalisations au nord du Togo, pour des raisons simples : Le nord du pays est un peu négligé dans plusieurs domaines, et étant moi-même originaire du nord, je sais combien l’accès à la bonne information est difficile. Et pour se faire, j’ai une équipe avec laquelle je travaille, et avec laquelle nous coordonnons les activités sur place.
Selomcrys : Pourquoi as-tu voulu créer cette association qui vise à aider les jeunes à mieux s’orienter ? De quel constat es-tu partie ?
Bk Reine : « Level’up Togo » est né d’un constat simple : nombreux sont les étudiants, jeunes professionnels dans divers filières et domaines, qui n’ont pas l’occasion de partager avec les plus jeunes. Et nombreux sont les jeunes élèves qui sont dans le flou quant à leur orientation, quant à ce qu’ils veulent faire à l’université ou dans la vie. Alors comment mieux les préparer, si ce n’est de créer un pont entre ces deux groupes ? Ainsi, les ainés qui seront déjà passés par plusieurs épreuves, par plusieurs échecs, par des victoires aussi, auront l’occasion de partager avec ceux qui veulent franchir le pas, avec ceux qui hésitent, ou juste en partageant leur expérience. Cela permet aux plus jeunes de dépasser pas mal de préjugés et d’à priori qu’ils ont dans tel ou tel domaine et qui les empêchent d’avancer.
Selomcrys : Qu’est ce qui te motive à aider ces jeunes togolais, à titre personnel ?
Bk Reine : (Rire) Généralement, les gens pensent que quand on entreprend dans le domaine social, c’est pour gagner de l’argent sur le dos des cibles, ou c’est parce que l’on en a trop à dépenser qu’on veut donner aux autres. Une collègue m’a dit que le jour où elle a annoncé à quelqu’un qu’elle créait une association pour partager de menus trucs aux orphelins on lui a demandé si elle-même était déjà riche, si elle avait fini de résorber la pauvreté dans sa famille pour en avoir assez encore à donner aux autres… Vous voyez un peu ce que ça donne…ce n’est pas facile. La motivation quand on crée un projet social, c’est d’apporter un plus à son pays, à sa jeunesse, aux enfants, on se bat pour une cause qui nous tient à cœur. Je veux participer à l’émergence d’une jeunesse plus sure d’elle quant à ses choix. Personnellement, c’est l’amour du partage qui m’anime et je pense que ceux qui me suivent sur les réseaux sociaux le remarquent, j’adore partager tout ce que je découvre ou je sais, parce que j’ai la conviction que quelque part, un jeune, un collègue a juste besoin d’un mot de quelqu’un qui a vécu quelque chose aussi, pour l’aider à tenir bon.
Selomcrys : Tu as aussi lancé une collecte de fournitures scolaires pour la rentrée 2019-2020. Qu’est ce qui te motive à cela ?
Bk Reine : Le principal but du projet était de participer à une meilleure orientation à travers les partages d’expériences. Mais en sillonnant les écoles, je me suis rendue compte qu’il n’y avait pas que ça comme problème. Orienter c’est bien, mais il faut bien que ces élèves puissent d’abord pouvoir aller à l’école normalement. Or triste était le constat sur le terrain. Justement nombreux d’entre eux manquaient de moyens et n’avaient pas de fournitures etc. Et Dieu sait combien certains de ces jeunes sont motivés pour réussir. Alors j’ai joint ce volet pour 2019, avec les collectes, nous allons participer, à notre échelle, à régler les frais de scolarité de certains d’entre eux au mérite, pour les encourager, et aussi partager quelques fournitures et livres.
Selomcrys : Quels sont les retours des personnes qui participent déjà à cette collecte ?
Bk Reine : Les retours sont positifs. La collecte a été lancée et tout le monde peut y participer. Je collabore sur cette collecte avec l’association « Lidaou Togo », une association qui œuvre pour les orphelins. Présentement, nous sommes presque à la moitié de ce que nous avons prévu, et les promesses des dons sur place au Togo affluent également. Petit à petit, on récolte ce qu’il faut pour partager aussi comme on le peut. Je suis confiante.
Selomcrys : Quels sont les questions récurrentes de ceux qui sont curieux de savoir pourquoi cette initiative, notamment sur les réseaux sociaux ?
Bk Reine : Je reçois souvent la question de savoir justement ce qui m’a motivée à le créer, et la réponse reste inchangée, c’est elle que je vous ai donnée. A part cela, on me demande souvent comment j’arrive à gérer ma vie privée, mes études en droit qui demandent beaucoup d’investissement, ma vie de bloggeuse, ma présence sur les réseaux sociaux avec ce que cela implique comme revers de la médaille, et le projet. Et comme je réponds toujours, c’est une question d’organisation et d’amour de ce que l’on fait. Une autre question que je reçois : Comment de juriste tu es devenue fondatrice d’un projet et bloggeuse ? Je ne suis pas devenue fondatrice de projet, je le fais tout en étant juriste et bloggeuse, aucune fonction n’a jamais empêché d’en faire une autre, et justement le défi motive. Un jour quelqu’un m’a aussi demandé pourquoi j’ai ressenti ce besoin de créer mon projet si cela ne me rapportait pas d’argent. J’ai répondu que si l’argent est nécessaire pour vivre, pour réaliser, il n’achète pas nos expériences de vies, ni nos vies elles-mêmes. Alors cela dépend de chacun, certains n’ont pas la fibre sociale, d’autres l’ont même si eux-mêmes ne sont pas riches. Voilà il faut un peu de tout pour faire ce monde…
Selomcrys : Tu es aussi une influenceuse qui motive un nombre important de personnes sur les réseaux sociaux, te considères-tu comme un modèle pour ces jeunes gens ?
Bk Reine : Le mot influenceuse même me donne des grincements de dents, vous savez. C’est un concept très complexe sur les réseaux sociaux et on se perd facilement dans ce labyrinthe. Je partage juste. Pas plus tard qu’avant-hier, j’ai reçu un message sur Instagram d’une fille qui était en Terminale et me disait voulait devenir comme moi plus tard (sourire). Je lui ai répondu que c’était gentil, mais je voulais plutôt qu’elle devienne mieux que moi et surtout à sa manière à elle. Elle m’a rétorqué que je reste un guide. Je lui ai dit j’en suis heureuse, si je peux avec mes petites inspirations, avec mes petites expériences, insuffler du courage, donner de la motivation, et permettre à certains d’avoir la rage de se battre dans cette vie. Je pense que c’est à cela que je peux prétendre servir, insuffler du courage et partager mes expériences. Sinon un modèle je ne pense pas du tout, et je ne préfère pas. C’est trop lourd pour moi (rires). Je préfère qu’à travers ma vie, mon histoire, mes expériences, mes échecs et mes succès, certains puissent puiser le bon et se battre avec.
Selomcrys : Quelles valeurs essentielles souhaites-tu transmettre à cette jeune génération que tu côtoies ?
Bk Reine : Je choisirais la confiance en soi, la détermination et la liberté. Je crois dur comme fer que chacun est libre de faire ce qu’il veut ( tant que ça ne nuit pas à son prochain et que ce n’est pas dirigé vers le mal encore que ça peut être relatif), tant qu’il a confiance en lui, en ses atouts et en sa force, et tant qu’il est déterminé à atteindre un but donné.
Selomcrys : Quelle enfance as-tu eue ? Pourrais-tu dire que c’est ce qui t’a poussé dans cette voie que tu empruntes aujourd’hui ?
Bk Reine : Je n’ai pas eu l’enfance la plus difficile au monde, mais je n’ai pas eu l’enfance la plus facile non plus. Mes parents ont toujours donné tout ce qu’ils avaient pour nous et même si nous n’avions pas une grande maison, des voitures ou des habits de luxe, j’ai eu tout l’amour nécessaire pour me battre et leur donner ce qu’ils n’ont pas pu avoir. Vous savez, les prédictions qu’on fait sur vous quand vous venez d’une famille qui vivait à 4 dans un petit habitat en terre battue avec une seule chambre, marquent votre esprit d’enfant et vous poussent à ne pas donner raison au venin des gens dans vos vies. Cela donne la force de prouver que le début ne garantit pas la fin, mais que tout est question de détermination.
Selomcrys : Qui peut participer à ton association ? Quelles sont les conditions de participation pour aider ces jeunes ?
Bk Reine : Au-delà de mon noyau dur (mon équipe), tout le monde peut participer en tant que volontaire, dans un domaine précis, pour partager son expérience avec les autres, ou en tant que volontaire, pour chercher une expérience donnée chez un de nos mentors. Bien évidemment, pour faire partie de mon équipe, qui s’occupe de la logistique, du choix des mentors et des rencontres avec les jeunes etc, il faudrait m’envoyer une demande par mail à travers le site du projet ou mon mail personnel. Nous mettrons à la disposition de tout le monde bientôt des formulaires d’adhésion, mais c’est un projet à long terme, le temps de finir les fondamentaux.
Selomcrys : Envisages-tu de faire la même chose pour d’autres pays que le Togo ?
Bk Reine : J’ai eu des contacts avec le Bénin, mais pour le moment je me concentre sur le Togo. Mais qui sait, à l’avenir, on pourra inspirer des mini « Level’up Togo » dans les autres pays, mais pas forcément y aller nous-mêmes pour réaliser le projet, parce que le domaine de l’éducation, au-delà d’être un domaine social, est aussi lié à la gestion politique et culturelle d’un pays. Étant donné que nous ne vendons pas de service prêt à l’emploi, je pense inspirer d’autres mini « Level’up Togo » à des personnes dans leurs pays qui le mettront en œuvre en tenant compte de leurs réalités. Tout cela reste en projet …
Selomcrys : Comment vois-tu ton association dans deux ans, cinq ans ?
Bk Reine : Mon but ultime est d’en faire une mini-organisation de référence en termes d’orientation. Dans cinq ans, je pense que j’aurais atteint le but premier qui est de sillonner le nord du Togo jusqu’à Dapaong et de partager avec tous les élèves qu’on croisera. Nous voulons leur donner de la force, du courage et aussi des informations pratiques sur comment les choses peuvent se dérouler pour eux s’ils n’abandonnent pas leurs rêves. Après cela, nous redescendrons vers le Sud, et d’ici là qui sait, nous aurons atteint le but ultime dont j’ai parlé.