Le fondateur de la start-up « Wézon » (comprenez « bienvenue ») se nomme Ayité Sankayi Cédric Ajavon. Ce congolo-togolais a grandi entre les Etats-Unis et le Togo qu’il quitte en 1997 à l’âge de 16 ans. Plus de vingt ans plus tard, après avoir travaillé dans le monde de la finance, il se lance un nouveau défi, redorer le blason du tourisme africain et faciliter les voyages sur le continent. Sa nouvelle plateforme déjà présente au Togo, au Ghana, au Bénin, au Sénégal et en Côte d’Ivoire, offre la possibilité de réserver des services pour vous rendre vos séjours agréables. Interview.
Selomcrys : Adolescent, tu as quitté le Togo pour les Etats-Unis, la transition n’a-t-elle pas été trop sèche?
Ayité Ajavon : A l’époque, mon père faisait partie de l’opposition togolaise. Ma mère a voulu nous protéger en nous éloignant du pays et qu’on fasse nos études à l’étranger. Elle a convaincu papa de partir même si son côté militant l’incitait à rester. Nous sommes partis tous ensemble pour des vacances et moi je suis resté avec papa aux USA. J’ai vécu seul avec papa et ça a été difficile. De plus j’étais complexé par mon accent, je voulais que mes camarades me voient comme l’un des leurs, même si c’était peine perdue. Je voulais aussi ressembler à papa qui était toujours bien habillé car il était diplomate.
Selomcrys : Tu viens du monde de la finance, peux-tu nous retracer un peu ton parcours ?
Ayité Ajavon : Après mon diplôme en finance à New York, j’ai commencé à travailler en gestion d’entreprise, je gérais une grande station d’essence, c’était très difficile car j’étais très jeune et inexpérimenté. Je devais notamment manager des personnes qui avaient l’âge de mes parents ! De par ma culture africaine, il m’était difficile de réprimander des personnes plus âgées que moi et certains en profitaient. En plus j’y avais fait mon stage avant donc les employés me voyaient toujours comme le petit stagiaire J’ai dû apprendre à être plus dur et à me faire respecter. De poste en poste, j’ai commencé à faire carrière dans le domaine.
Selomcrys : Quand prends-tu la décision de rentrer définitivement à Lomé ?
Ayité Ajavon : Cela s’est décidé peu à peu. Je suis d’abord rentré pour des vacances après un contrat professionnel qui était arrivé à terme. Je n’étais pas rentré depuis dix ans mais je m’y sentais bien. Par contre, j’ai constaté certaines difficultés comme pour louer des voitures ou un appartement, par exemple. En ligne, les procédures étaient inefficaces, chères et compliquées. Il n’y avait aucune transparence. C’est de là que m’est venue l’idée d’avoir un guide pour visiter Lomé et sortir un peu des sentiers battus. J’ai constaté qu’il existait de véritables trésors ici mais que les gens ne savaient pas les vendre. Quelqu’un qui vient des Etats-Unis n’a pas beaucoup de temps de congés, ses différentes activités doivent aller vite et être bien organisées afin qu’il ne perde pas de temps !
Selomcrys : L’idée de créer ta start-up Wézon est donc née de tes propres difficultés lorsque tu es revenu au pays?
Ayité Ajavon : Oui, dans ma tête ma frustration par rapport à ceci ou cela me poussait déjà vers cette entreprise. L’aventure est née et a germé dès 2015. Je prenais tous mes congés pour voir comment sont les autres pays africains en matière de tourisme. J’ai visité le Rwanda, le Kenya, le Bénin, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Sénégal etc. J’ai constaté que les mêmes problèmes existaient partout. J’en ai profité pour constater les choses par moi-même, poser des questions sur des approches de solution et créer des relations. En 2018, j’ai été licencié de mon dernier boulot. Cela m’a poussé davantage à m’investir dans Wézon à cent pour cent. Selon l’Agence mondiale du tourisme et la Banque Africaine de Développement (BAD), il y a entre 60 et 65 millions de personnes qui voyagent sur l’Afrique chaque année. Il y a donc un vrai marché et des opportunités à saisir dans ce milieu!
Selomcrys : Parle-nous un peu de ta plateforme de voyages Wézon ?
Ayité Ajavon : Wézon est une start-up qui a pour but de faciliter les voyages en Afrique en offrant aux voyageurs la possibilité de réserver des services pré-vérifiés avec des partenaires dans les différents domaines (hôtel, activités, location longs séjours, location de véhicules etc). C’est une plateforme collaborative qui met en relation les clients et les pourvoyeurs de services. Je suis panafricain et un grand amoureux de l’Afrique, congolais par ma mère et togolais par mon père. Je me suis toujours senti concerné par le continent noir qui me tient à cœur. Ma start-up, c’est ma contribution afin que les gens voyagent tout en bénéficiant d’une bonne qualité des services. Je travaille avec des partenaires pour fournir les meilleures prestations pour que l’Afrique soit enfin vue sous un meilleur angle, qu’elle devienne une destination intéressante et sûre pour tous. C’est mon rêve de rencontrer un jour quelqu’un venant de Thaïlande et qui dit avoir trouvé son hébergement par Wézon. Je me bats pour offrir à tous nos clients un service de qualité.
Selomcrys : Il existe de nombreux sites dans le domaine du tourisme, qu’est-ce que Wézon a à offrir de plus ?
Ayité Ajavon : Je dirai que notre plus c’est notre vision. Car, à terme, on voudrait avoir des contenus qui font comprendre aux voyageurs et aux curieux la beauté de l’Afrique. Pour l’instant elle souffre de nombreux préjugés comme la dangerosité, or je ne trouve pas que cela soit vrai, c’est potentiellement dangereux partout de voyager. Avec notre plateforme, nous sécurisons justement les parcours des voyageurs pour leur assurer une meilleure sécurité, un meilleur confort et des professionnels à leur écoute. On pense maintenant qu’il faut aussi choyer les locaux qui ont le désir de voyager sur leur continent et de mieux découvrir leur propre pays ou les pays limitrophes ou plus lointains. Pour le moment, Wézon se concentre uniquement sur l’Afrique mais si un jour on conquiert tout le continent et ses 54 pays, on veut aller à la conquête du monde, avec des pays de la diaspora comme Haïti par exemple.
Selomcrys : Le continent africain a mauvaise réputation en matière de tourisme, nous l’avons dit plus haut, n’est-ce pas un frein pour ta start-up ?
Ayité Ajavon : C’est bien dommage mais non, car cette mauvaise réputation n’est pas totalement fondée selon moi. Je veux donc me focaliser sur les résultats, nos expériences, partager nos photos et créer du contenu pour prouver à tous ceux qui pensent encore de mauvaises choses du continent qu’ils ont tort. Je pars du principe que si on crée nous même le contenu il sera meilleur. Il faut créer un réseau puissant qui s’entraide et se soutient pour un meilleur contenu de qualité. Nous devons démystifier le voyage soit disant cher et inaccessible. Des fois certains veulent voyager, mais les informations ne sont pas toujours disponibles. Il existe encore trop peu de sites simples où trouver toutes les informations nécessaires à la préparation d’un voyage chez nous ! Nous voulons faire rêver les gens afin qu’ils n’aient plus qu’une envie, voyager et venir voir les beautés que recèlet notre Afrique. Pour nous y aider, nous allons bientôt mettre en place des ambassadeurs professionnels dans leurs domaines (art, agronomie, histoire etc) qui feront la promotion de certaines destinations. Ils auront la charge de faire découvrir aux voyageurs qui le souhaitent des coins et recoins de la ville choisie, selon la thématique voulue. Un(e) vrai(e) guide touristique VIP !
Selomcrys : Quelle est la principale difficulté que tu rencontres aujourd’hui ?
Ayité Ajavon : La principale difficulté de Wézon aujourd’hui c’est de m’encadrer de professionnels compétents. Aujourd’hui je fais beaucoup par moi-même comme préparer des business plan, des projections financières, le marketing, la communication notamment sur les réseaux sociaux. Il faut que je m’entoure de personnes qui me permettent de me focaliser sur certaines choses et ne pas tout faire à la fois. Quand on est entrepreneur, on rencontre beaucoup de gens intéressés mais qui après disparaissent dans la nature. Nous devons aussi cibler la clientèle qui a besoin de nos services car certains prestataires sont là et prêts. Je compte aussi sur le bouche à oreille. Sur les réseaux sociaux, je me rapproche de la diaspora… La première stratégie c’est la communication en ligne et aussi le bouche à oreille. Pour cela, je m’appuie sur les groupes visibles de la diaspora sur Facebook, par exemple.
Selomcrys : Pour vous, où en sera Wézon dans 5 ans ?
Ayité Ajavon : A terme, nous espérons que Wézon soit synonyme de services de qualité et de solutions pour voyager quand on pense à l’Afrique. Nous aimerions aussi pouvoir influer sur le narratif africain en termes de tourisme. Le but est de rassembler ces personnes capables de fournir du contenu de qualité concernant l’image de notre continent : photographies, contenus écrits, vidéos etc. Nous voulons que ce soit les Africains qui parlent de l’Afrique. On pense aussi développer un service qui cible les sociétés pour offrir un service complet à leurs employés ou pour des séminaires dans chaque pays ou s’ils voyagent dans plusieurs pays et créer notre propre certification Wézon. On envisage aussi de travailler avec des agences de voyages telles que Asky.