Forte d’une expérience de plus de dix ans dans la musique, AngeliQ se lance en solo avec son tout premier album « Piti à Piti ». Son univers est aérien, sensuel, féminin et inspirant. Pile poil ce qu’on aime. D’ailleurs les thémes qu’elle dépeint comme un recueil de nouvelles vous parleront sans doute aussi : l’amour, les rencontres, les fêlures, l’environnement, les racines. Une façon pour la chanteuse guadeloupéenne aux sonorités mêlant le gwoka, l’électro et le blues de se démarquer davantage. Je vous invite à un beau voyage créole entre « Yo », « Libèté » ou encore « Tan » … Suivez-moi !
Selomcrys : C’est votre tout premier album qui s’intitule « petit à petit », qu’est ce que ce titre véhicule pour l’artiste que vous êtes ?
AngeliQ : « Piti a Piti » c’est un premier album qui retrace tant mon évolution musicale que personnelle. Le choix de ce titre pour nommer le projet témoigne d’un certain état d’esprit. Cela fait dix ans que je me consacre entièrement à la musique et aujourd’hui je suis ravie de proposer au public le fruit de mon cheminement artistique. Cette sortie d’album est une étape importante qui tend vers d’autres projets tout aussi enrichissants. La route continue, Piti a Piti, comme le dit bien mon 1er album…
Selomcrys : Le premier single de cet album se nomme « Yo » qui signifie « eux », en créole. Lorsqu’on parcourt la traduction de cette chanson, on se rend compte qu’elle évoque des amants, des âmes sœurs, qui étaient faits pour se croiser, s’aimer et s’entraider. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
AngeliQ : Le titre « Yo » est l’histoire de deux êtres qui se rencontrent, se reconnaissent immédiatement par un simple contact visuel et décide de cheminer ensemble avec leurs fardeaux respectifs. C’est une belle histoire d’amour sans condition. Au-delà du conte de fée, le message est universel. Il s’agit d’accepter l’autre sans jugement, simplement sur une base d’égalité, d’équité et de tolérance ; les seuls enjeux étant d’évoluer et guérir de nos blessures ensemble.
Selomcrys : Vous avez un univers très féminin aérien, envoutant Comment définiriez-vous votre style qui puise dans le gwoka ? Et en quoi vous différenciez-vous des autres artistes de la scène musicale actuelle ?
AngeliQ : L’album « Piti a Piti » est une fusion de rythmes traditionnels afro et gwoka avec des sonorités électro. Les chants y sont mélancoliques, à l’instar de la musique blues. Ils célèbrent une identité, une histoire, celle de mes ancêtres. C’est aussi un album femme, avec une empreinte et des mots de femme, bien à l’aise avec sa sensibilité, son humanité, ses faiblesses et surtout ses forces. Il est vrai que ma proposition est originale, il était important pour moi en tant qu’artiste de proposer un concept musical très personnel.
Selomcrys : Vous venez de sortir votre album le 15 mars dernier, quels sont les premiers retours que vous en avez déjà du public ?
AngeliQ : J’ai été agréablement surprise par la curiosité du public à découvrir cet album. Pour ceux qui m’ont connu à mes débuts, Il y a d’abord la surprise quant à sa couleur musicale et beaucoup d’enthousiasme. Tout ceci m’encourage à partager ce projet au plus grand nombre. D’ailleurs, j’ai hâte de vivre cet album sur scène le 14 Juin au Sunset, à Paris.
Selomcrys : Votre langue est le créole, parlez-nous un peu de cette identité là qui fait la femme et l’artiste que vous êtes ?
AngeliQ : Je suis née et j’ai grandis en Guadeloupe, dans la commune du Moule. Le créole et le français sont mes langues natales. J’ai baigné dans cette musicalité, influencée par des femmes fortes de chez nous. La première étant ma mère qui est un bel exemple de ténacité. Je pense aussi à la chanteuse Jocelyne Béroard du groupe Kassav qui chante « Ké sa lévé » ( je saurai me relever). En grandissant, j’ai conservé mon identité et devenue mère, je la transmets à ma fille pour qu’elle connaisse sa culture. C’est mon héritage et je tiens à le préserver pour le futur.
Selomcrys : En quoi cette identité influe-t-elle votre musique aujourd’hui ?
AngeliQ : Je dirais surtout que l’album Piti a Piti est à mon image. De ce fait, on y retrouve mon identité culturelle et les autres musiques qui m’ont influencé un peu plus tard. Le choix de chanter tout l’album en créole est aussi une question de goût artistique. Cette langue est puissante, pleine d’expressions fortes, imagée et drôle. J’aime sa musicalité, sa couleur et sa chaleur. Pour les sujets que j’aborde, j’y ai trouvé les mots et l’émotion juste. C’est aussi ma façon de mettre en vitrine une partie de l’histoire des Antilles. Je suis ouverte sur le monde et j’aimerais que le monde soit tourné vers nous lui aussi et autrement qu’en vision carte postale. La musique est un langage universel.
Selomcrys : Vous faites de la musique depuis longtemps, notamment avec des groupes en tant que choriste et grâce aux cafés concerts, c’est un virage à 180° degrés là avec cet album solo, comment le vivez-vous ?
AngeliQ : Mes expériences en tant que choriste et mon projet solo ont évolué ensemble. Tout cela est formateur. De ce fait, il n’y a pas eu de réelle transition. C’était important pour moi de mettre en mots et en musique ce que j’avais appris. Ce projet me tenait réellement à cœur. Alors je m’y suis simplement consacrée un peu plus et j’ai pris beaucoup de plaisir à le faire.
Selomcrys : Les thématiques que vous abordez dans votre album font énormément écho aux vécues des femmes : la violence conjugale, le cœur brisé, le fait d’avancer et de dépasser ses fêlures.
AngeliQ : Les blessures dissimulées, la violence physique et morale, le manque de respect, le harcèlement quotidien, la charge mentale, la résilience, les femmes ont bon dos dans quasiment toutes les cultures confondues. Dans mes échanges avec celles de mon entourage, ces problématiques reviennent constamment. C’est une lutte constante et je me sens concernée par toutes leurs histoires. Heureusement, j’ai de beaux exemples d’abnégation et de détermination autour de moi. J’avais envie de partager ces histoires dans l’espoir de sensibiliser. Je souhaite à chacune d’être assez fortes et déterminées à préserver sa vie et s’épanouir librement.
Selomcrys : Vous évoquez aussi l’environnement et l’immigration, deux thématiques fortes de « petit à petit ». Dites-nous en quoi ces sujets vous interpellent et pourquoi ?
AngeliQ : Ce n’est que ma petite pierre à l’édifice que de parler de ces sujets qui nous concernent tous. J’interroge mais je m’interroge avant tout sur ce que je peux faire pour que les choses avancent à mon échelle. Ce sont des thèmes dont on parle depuis très longtemps. Malheureusement le temps passe et les solutions tardent alors oui cela me fait peur pour notre avenir, tant dans notre « vivre ensemble » que pour notre futur sur la planète.