Madi, de son vrai nom Mariama Diack est une jeune passionnée de cuisine africaine. Avec brio, elle arrive à mélanger différents univers au sein d’un même plat, différentes saveurs, aussi… à retrouver sur sa page Instagram « Les délices de Madi ». Agée de 25 ans, la jeune sénégalo-togolaise a grandi entre Lomé et Dakar, où elle obtient son diplôme de Master en Commerce et Management des Affaires Internationales. De là, elle débarque à Lille, en France. Et lorsqu’elle ne cuisine pas, Madi s’occupe d’enfants qu’elle affectionne ou coache des jeunes filles pour le concours Reines des Grandes Ecoles, au Sénégal, son autre pays de cœur. Rencontre.
Selomcrys : Depuis quand cuisines-tu ?
Madi: Je cuisine depuis l’âge de 12 ans. Etant une fille africaine, je ne pouvais pas ne pas cuisiner. On sait tous qu’au Togo être une fille c’est se lever tôt, faire le ménage et bien sûr, savoir cuisiner. Je n’étais donc pas épargnée (rire). Mais bien avant cela, j’attendais que ma mère finisse de cuisiner puis comme un petit chat, j’entrais dans la cuisine. Je récupérais la boite de conserve de tomate concentrée, une poignée de riz, l’emballage vide d’un cube, un piment. Je récupérais quelques braises au passage et j’allais sous la paillote pour concocter du riz au gras. J’étais encore jeune à l’époque. Le processus était tout simple, je mettais de l’eau dans la boite de conserve, je raclais l’emballage du cube, puis je mettais le riz et hop au feu. C’était drôle car le riz à la fin n’était pas cuit et du coup je faisais manger ma poupée.
Selomcrys : Qui t’as transmis le virus de la cuisine ?
Madi: Cette envie de réellement cuisiner est venue bien plus tard, après 2010. Après mon Bac je suis partie au Sénégal. J’étais impressionnée par les femmes et leur cuisine. C’était des événements tous le temps : baptêmes par ci, réunions de famille par-là, et les femmes préparaient dans de grandes marmites, des quantités astronomiques, je voulais faire partie de ces femmes-là. C’était tellement bon ce qu’elles faisaient. Chez nous également, ma tante préparait et c’était différent de ce que je connaissais déjà. C’était du tchep, du firire (un plat à base de poisson), des vermicelles, du hachis parmentier, …. J’adorais cela et je commençais vraiment à m’intéresser à la cuisine. J’ai alors pris le temps d’apprendre la cuisine sénégalaise. J’avais cependant envie de cuisiner autre chose, alors j’allais sur YouTube, je regardais des vidéos, et je reproduisais chez moi. C’était des crêpes, des pancakes, des cakes, des pizzas, bref je touchais à tout. Lorsque la polémique sur la nocivité des cubes culinaires enrichis au glutamate est apparue et je me suis promis de trouver la meilleure association pour pouvoir cuisiner sans. Je suis arrivée en France en 2016, et là ma passion a réellement pu s’exprimer. Je faisais ce que je voulais, comme je voulais. C’est là que m’est venue l’idée d’avoir une page Instagram pour partager ce que je faisais et savoir ce que les gens en pensaient.
Selomcrys : Pourquoi cuisines-tu ?
Madi: Je cuisine parce que j’aime bien manger. Etant généreuse, j’aime également partager et je me dis qu’il n’y a rien de mieux que le partage à travers la cuisine. Cuisiner, c’est la chose que je peux faire du matin au soir, sans être fatiguée. J’ai commencé à faire des plats sur commande, et du coup je peux faire du 6-18h non-stop par exemple. J’aime également apprendre de nouvelles choses en cuisine, voir comment je peux modifier une recette, l’améliorer, l’adapter. Généralement j’aime cuisiner pour mes proches, mes amis, des connaissances. Car c’est pour moi un moyen de leur transmettre un peu de ce que j’aime, de leur faire plaisir. J’ai la chance de pouvoir être entourée de personnes de confiance qui aiment me faire un retour sur ce que je cuisine. Cuisiner me déstresse, me rend de bonne humeur, me permet de me recentrer sur ce que j’aime réellement. Cuisiner et manger même je dirai (sourire). Mais plus sérieusement, ça me procure un bien fou, ça me permet de me relaxer, de mettre mes soucis de côté.
Selomcrys : Justement, que disent tes proches de ta passion pour les bons plats ?
Madi: Ça les surprend beaucoup, surtout ma mère, qui me demande toujours d’où m’est venue cette passion. Mais agréablement, ils sont contents que j’ai pu trouver ce qui me plait réellement, ce qui me botte dans la vie. Ils disent souvent aussi qu’ils se demandent si je mange réellement, ils voient ce que je fais sur les réseaux mais ils ne voient pas le résultat sur ma personne (car je ne prends pas un gramme). Certains vont sur ma page et choisissent les plats qu’ils veulent que je fasse à leur prochain passage. Mes proches sont d’un grand soutien, car ils me poussent à vraiment aller loin, à ne pas seulement me limiter à juste partager mais à en faire quelque chose de sérieux et de formel.
Selomcrys : Tu as un goût très prononcé pour les plats made in Togo, es une volonté pour toi de les revaloriser ?
Madi: Mon goût pour les plats togolais est d’abord dû au fait que je suis togolaise et depuis toute petite j’ai connu cette cuisine. Durant mon passage au Sénégal, je l’ai un peu mise de côté. Du coup, arrivée en France je m’y suis replongée pour la redécouvrir. Si je devais faire une comparaison entre la cuisine togolaise et celle sénégalaise, je dirai qu’on mange mieux au Togo. Nous avons une culture culinaire très variée et saine même mais qui n’est malheureusement pas mise en valeur. Alors moi oui, j’aime cuisiner togolais, et j’aime partager cela pour que les gens découvrent cette richesse culinaire que nous avons. J’ai aujourd’hui envie de redécouvrir des produits typiques qui sont aujourd’hui oublié, ou bien pas/peu utilisés et les faire découvrir aux autres.
Selomcrys : Il t’arrive de mixer des plats d’Afrique et d’ailleurs. Pourquoi et comment y parviens-tu?
Madi: Tous simplement parce que nous avons une richesse culinaire incomparable en Afrique et nous devons trouver le moyen de mieux la valoriser. Mais nous avons une cuisine très traditionnelle et du coup pour la faire traverser les frontières internationales, nous devons la repenser. C’est donc dans cette optique-là qu’il faut oser, tester des mélanges improbables (rires), j’essaie d’innover. Je me demande ce qui peut s’accorder avec cet ingrédient, je demande autour de moi, et j’y parviens comme ça.
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Selomcrys : Quel est le retour de tes followers « Instagram » qui apprécient tes plats en photo ?
Madi: Mes followers apprécient déjà la qualité des photos qui sont prises mais aussi le contenu. Ils répondent souvent que ça leur donne faim, qu’ils ont envie de manger exactement la même chose, ou qu’à cause de la photo ils vont préparer la même chose. Il y en a qui me disent qu’ils vont sur ma page pour trouver de l’inspiration. J’en suis fière, je suis contente de savoir que ça plait et surtout que j’en inspire d’autres. Une amie à moi voyait souvent les publications sur mon statut WhatsApp, puis elle a vu les mêmes publications sur un autre profil avec mon nom en légende. Elle m’a tout de suite demandé si c’était moi, car elle trouvait cela très beau. Je n’ai que des retours positifs, j’en suis ravie !
Selomcrys : Via ton compte Instagram tu affirmes que « Cooking is fun » que dirais-tu à ceux qui n’aiment pas cuisiner ou qui se disent pas doués, pour qu’ils s’y mettent ?
Madi: Parfois les gens n’aiment pas cuisiner parce que soit ils ne savent pas cuisiner, soit ils pensent que c’est difficile, que ça demande trop de travail, etc. Mais, s’ils n’essaient pas ils ne sauront jamais comment c’est réellement. Moi je trouve que cuisiner est à la portée de tous. On peut y arriver quand la volonté est réelle. C’est vrai qu’il y a des plats qui sont compliqués à réaliser mais le choix de faire telle ou telle recette appartient justement à celui qui est derrière les fourneaux. C’est vrai certains sont plus doués que d’autres, mais ça s’apprend.
Selomcrys : Tes plats sont élégants et soignés dans leur présentation, est-ce à dire que le plaisir du palais commence par le plaisir des yeux ?
Madi: C’est exactement ça. Si un plat ne donne pas envie visuellement, cela peut être automatiquement associé au goût même si derrière, le plat est très bon. Mon avis est que le plat doit être aussi bon visuellement que sur le plan gustatif. J’aime bien faire les choses et je préfère prendre mon temps et présenter quelque chose de beau plutôt que de présenter un plat qui ne donne pas envie. Un plat qui n’est pas beau peut le desservir.