La Belle Togolaise est l’une de ses muses qui s’assument pleinement. Mieux, qui aime son corps, nu. Car, la nudité est au fond le 1er vêtement que nous portons tous, au moins une fois. Pour revendiquer ce corps, beau, parce qu’imparfait, et ces autres visages, forts, parce que parsemés d’histoires vibrantes, la jeune femme hyperactive nous les montre, sans fard. A regarder. A observer encore. Et encore. A seulement 25 ans, cet être humain, comme la jeune femme originaire de New-York se définit elle-même, narre des contes visuels étonnants, surprenants, profonds, toujours touchants. Et elle navigue d’expérimentations en expérimentations, pour le plus grand plaisir de ses très nombreux followers d’Instagram. Rencontre.
Présente-nous ton univers LA BELLE TOGOLAISE ?
Ce blog est une collection de mes intérêts, de mes inspirations, de moi-même, de mon travail, de mon imagination. J’ai d’abord commencé avec sur le réseau social Tumblr en 2008 avant d’avoir ma page Instagram en 2012. Je partage tant mes photos que celles de mes amis ou celles que je pique à droite et à gauche car je les apprécie, lors de mes recherches. Je me suis pris au jeu de ce partage régulier, il fait écho à ma vision, mon âme et mon cœur.
Tu as participé à une campagne de photos pour Vogue Italia concernant les femmes noires, en 2016. C’est une opportunité incroyable, raconte-nous !
C’était en réalité une campagne du photographe et directeur de la création Ed Maximus nommée « Colored girls ».Il travaille notamment pour Vogue Italia. Il recherchait des modèles de femmes noires. Je lui ai écrit, il m’a retenu parmi d’autres femmes, et l’aventure était lancée. C’était une très belle expérience formatrice pour moi.
Ton blog existe depuis six ans. Quel(s) sont les challenge(s) que tu t’aies lancé jusque-là ?
L’un de mes plus gros challenges, c’est d’avoir osé poster des photos de nues, notamment de moi. Ce n’est pas moi qui est un problème avec la nudité c’est beaucoup plus les gens, surtout ceux qui ont des arrières pensées. Je trouve la plupart des personnes aujourd’hui déconnectés de leur propre corps. Cela m’étonne encore que certain(e)s puissent mal réagir à cela alors que c’est totalement naturel. Je reçois des commentaires malsains, il y a quelques malades, mais globalement, je reçois aussi beaucoup de soutiens. Au début, les gens qui me connaissent bien me demandaient pourquoi je postais des photos de moi nues. Je leur répondais que c’est mon corps, c’est ma vie et qu’il n’y a au fond rien de plus naturel que la nudité. Et là, j’en discutais davantage avec eux pour savoir pourquoi tel ou telle avait un souci avec cela. J’ai alors compris que, bien souvent, c’est la société et le « qu’en dira t-on » qui influent sur ces personnes. Ce qui est drôle c’est que suite à nos discussions, ces mêmes personnes qui me critiquaient me soutiennent aujourd’hui.
La peau, le corps, l’identité, le nu.. quels messages tes photos envoient-elles ?
Je pense sincèrement que tous les corps sont fascinants. Alors, pourquoi ne pas les montrer ? Ils sont notre cadeau. Ils font beaucoup et sont indulgents avec nous alors même que nous les malmenons avec la malbouffe et autres. De nos jours, je nous trouve tous tellement déconnectés de nos corps. De mon point de vue, c’est très important d’être véritablement et quotidiennement lié à son corps, de l’écouter, de l’observer, de voir ce dont il a besoin ou non. Il faut bien le connaitre ! Il a beaucoup à nous enseigner. Il est l’enveloppe qui véhicule notre âme. Il fait partie de l’équation !
Tu as des vergetures sur le corps que tu montres sans complexe. Quel rapport as-tu à ton propre corps ?
J’ai des vergetures, oui c’est vrai mais cela m’est égal. Je suis moi ! Elles ne sont là que parce que mon corps a changé, réagi et naturellement évolué à un moment donné de ma vie. La société nous fait penser qu’elles sont moches, inacceptables et que nous ne devons surtout pas les montrer, je fais le choix inverse. Contrairement à ce que les clichés nous disent partout, je ne pense pas qu’il faut en avoir honte. Et puis, j’aime bien mon corps comme il est, voilà tout.
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Tu es une grande amoureuse d’art en général, qui t’as montré la voie ?
Personne. Tout est venu de l’importance qu’Internet a eue dans ma vie lors de mes recherches. Lorsque je tombais amoureuse d’un cliché, je voulais en savoir plus, je cherchais donc d’autres photos, je tenais à en connaitre davantage sur l’univers de ce photographe et j’archivais ce que je voyais, pour partager cela par la suite avec des amis. C’est comme cela que le virus m’a pris. J’ai appris seule derrière mon ordinateur, car lorsque j’étais enfant j’étais très solidaire. Mon goût prononcé pour l’art est venu de là.
La plupart de tes photos sont emprunts de tes racines africaines, alors même que tu as vécu de nombreuses années aux Etats-Unis.
Oui, je suis du Connecticut. Mais l’influence de l’Afrique était partout là-bas, à New York, lorsque j’y vivais encore. Je pensais Afrique, je vivais Afrique, je mangeais Afrique. Il y a beaucoup de noirs dans mes photographies car j’aime leurs traits, c’est aussi ce que je suis, ce qui me ressemble et « black is beautiful« , c’est ce que j’aime. En réalité, je ne le fais même pas consciemment, mais oui je fais la promotion des blacks.
L’influence new-yorkaise est également présente dans ton travail. C’est une inspiration constante de ta vie?
Je crois qu’il y a un bon mélange des deux univers dans mes visuels. Evidemment, New York m’a beaucoup inspiré, influencé et enseigné bien des choses. J’y suis également très attaché. J’y ai encore beaucoup d’attaches, de la famille et des amis, comme la photographe Castle avec qui j’ai travaillé par le passé et avec qui je collabore toujours.
Que penses-tu de la chirurgie esthétique que certaines personnes utilisent pour modifier leur corps ?
Tout le monde a ses propres raisons de faire ce qu’il fait mais pour moi c’est de l’ordre de l’ornement, c’est utilisé avant tout pour avoir un look différent sans efforts. Je comprends pourquoi les gens le font mais personnellement je n’en ai pas le désir. Pour passer par la chirurgie esthétique, il faut seulement bien y réfléchir à deux fois car c’est dangereux, douloureux et que cela a un coût financier important. En général, je dis à toutes les femmes qui me contactent de s’accepter comme elles sont ou alors de faire en sorte que cela change, en faisant du sport à la maison, par exemple. C’est vrai que je suis fine de nature mais je fais quand même attention, j’essaye toujours de m’améliorer car je suis comme tout le monde, des fois je me laisse aller à manger trop gras ou trop sucré parfois. Lorsque j’étais plus jeune, je faisais beaucoup de sport au lycée, ce que je n’ai plus le temps de faire à cette cadence. Mais j’aime mes formes comme elles sont donc cela s’entretient.
Les cicatrices, c’est aussi une thématique qui semble te tenir à cœur…
Oui, car elles sont une autre forme d’ornements, voulus ou non, elles renseignent beaucoup sur les différentes ethnies, villages. Elles instruisent sur notre histoire et notre culture africaine. J’ai moi-même des cicatrices aux jambes, au ventre et aux mains… elles sont une partie de l’ADN de mon vécu personnel. J’aime les cicatrices et ce qu’elles ont à nous montrer et nous apprendre de l’autre ! Au final, elles expliquent parfois mieux que personne y compris nous, qui nous sommes. Après, il y a les cicatrices intérieures que l’on ne voit pas… mais que l’on peut ressentir.