Au portail fleuri de bougainvilliers roses, ce sont déjà des effluves de mangue, d’épices et de menthe qui vous accueillent rue des Rossignols, chez Home Made Lomé. Avec Yannick MACAULEY, dit Kodjo Mawuéna – comprenez « Dieu a donné » – la cuisine est au cœur de sa vie.
Le jeune homme vit comme il cuisine, avec intensité. Sa sœur Yvonne raconte : « la cuisine est une passion pour lui depuis longtemps. Il aime créer, combiner de nouvelles choses. Cela lui apporte une certaine confiance en lui et lui permet de s’évader de la routine. » Sa routine, son propre cabinet de Ressources Humaines ARS que ce self-made-man monte il y a trois ans, avec un ami. Lui aussi a déjà eu l’occasion de goûter à sa cuisine, évidemment. C’était un filet de bœuf avec des frites d’ignames. Simple mais efficace. Il en parle : « Yannick est très propre et accro à la décoration. Même si tu n’as pas faim, tu vas forcément te laisser séduire et manger ses plats ! », assure-t-il. Son perfectionniste d’ami possède en effet une petite cuisine immaculée aux ustensiles fonctionnels, avec lesquels il réalise chaque midi de petites merveilles. « Je raffole de sa cuisine ! Je pense que c’est une cuisine saine et gourmande ! C’est un mélange de cuisine africaine, européenne, américaine, chinoise etc… Il choisit ses ingrédients avec soin », raconte sa sœur Yvonne, l’une des femmes de sa vie et l’une de ses fans de la première heure.
Une fois installé dans le grand jardin, sous l’imposant acacia polinéa – où les canaris jaunes viennent loger, danser et chanter – le temps est comme suspendu. On pourrait se croire n’importe où, tant les bruits de la ville de Lomé ne vous parviennent pas. Là, l’audacieux personnage enlève son costume de consultant en RH, pour préparer un bon repas copieux. La veille, Yannick Macauley aura passé des heures dans les dédalles du grand marché de la capitale, ensoleillé et odorant, où ses marchandes habituelles – il les appelle ses copines – lui dénichent toujours ce qu’il recherche. « Je suis un bon ambassadeur du made in Togo car je privilégie les produits locaux », affirme-t-il. Ce passionné excelle dans sa différence, car au Togo, il est rare de croiser des hommes qui cuisinent et aiment ça. Pourtant, à 35 ans, le jeune togolais assume. Normal, Yannick Macauley a déjà beaucoup roulé sa bosse. Mali, Gabon, Burkina Faso, France, Ghana, Bénin, Côte d’Ivoire. D’où cet ouverture d’esprit et cette simplicité qui le caractérise, comme nul autre.
Des choix locaux et étudiés avec soin qui se ressentent dans les plats soignés, séduisants et savoureux aux odeurs d’ici et d’ailleurs que l’autodidacte concocte à ses amis et clients. Par amour pour les gens et pour la « bonne bouf », ce lève-tôt vient de lancer son concept Home Made Lomé, comprenez « le fait maison », basé sur une tradition togolaise. Il l’explique: « Ici, on cuisine toujours un peu plus pour le visiteur de passage qu’on n’attendait pas mais arrive à l’improviste et partage notre table, car il est impoli et mal vu de manger sans inviter celui qui se trouve à ses côtés, c’est dans notre culture. » Côté cuisine, les murs et le toit sont jonchés de vignes vertes, qui poussent nonchalamment malgré la chaleur ouest-africaine. Un havre de verdure où les clients se sentent bien. Tellement à l’aise que les clients se glissent parfois en cuisine – c’est le jeune togolais qui les y convie volontiers – pour mettre la main à la pâte. Comme à la maison. Ravis, ils reviennent, encore et encore.
Elevé en parti par sa grand-mère, c’est elle qui lui apprend les béa.ba de la cuisine du terroir local. « Mon but est aussi de donner la place aux goûts naturels, authentique en revisitant notamment nos plats traditionnels qui n’ont pas évolué depuis des générations et des générations pour leur apporter modernité et originalité« , explique-t-il. Man-man, comme il appelait sa mamie, lui a beaucoup appris sur la cuisine, en particulier, et sur la vie en général. Impossible de gaspiller à ses côtés. Une éducation qui le forge, et dont il se souvient encore. « Un jour, j’ai raté un plat d’akoumin, c’était beaucoup trop dur, j’ai dû manger cette pâte jusqu’à ce qu’elle finisse, hors de question de la jeter à la poubelle. » Né à Lomé, ce natif de mars 1983 n’en est pas à son premier défi. Nul doute qu’il saura triompher de celui-là aussi !
« Au-delà de la cuisine, je leur montre une chose simple : tout ce que tu fais avec amour, tu lui donnes de la valeur. »
Trois Questions à… YANNICK MACAULEY
Pourquoi et depuis quand cuisines-tu ?
Je cuisine depuis très longtemps, j’ai commencé lorsque j’avais 13 ou 14 ans, car à la maison, fille comme garçon, tout le monde faisait tout. J’y ai pris goût ! Maintenant, je le fais par besoin, bien sûr, mais aussi par envie et par amour du goût, des autres, et pour surprendre les gens qui ne me connaissent pas… Je cuisine pour les autres depuis mes 17 ans, mes premiers cobayes et soutiens de taille ont été mes petites sœurs Inès et Yvonne, lorsque j’ai arrêté mes études pour m’occuper d’elles. Même avec mes amis, à chaque plan bouf, c’est moi qui m’y collais avec plaisir. Mais c’est seulement l’année passée que je me suis retrouvé à créer dans le domaine culinaire pour des inconnus. J’ai organisé quelques évènements dans mon jardin, en lançant mon concept du « fait maison » via le réseau Instagram et le hastag HomeMadeLomé.
Tu mixes des plats d’ici et d’ailleurs. Comment procèdes-tu?
Je créé souvent au feeling, je teste, de réfléchis aux associations de goût dans ma tête, je créé ma magie. J’ai eu la chance d’aller dans de nombreux pays comme le Mali, le Gabon, le Burkina Faso, la France, le Ghana, le Bénin, la Côte d’Ivoire etc c’est aujourd’hui un plus pour ma cuisine. Une ouverture d’esprit sur laquelle je m’appuie. Et je fais aussi des recherches sur Internet via des applications mobiles par exemple, où l’échange de recettes et d’astuces sont les règles. J’ai appris beaucoup de choses chez ma grand-mère qui nous a en partie élevé, avec elle c’était le zéro gaspillage. Après tout, tu es étais qui toit pour oser jeter quelque chose à la poubelle. Cela n’était même pas concevable pour elle. Un jour, j’ai raté un plat d’akoumin(1) j’ai dû manger cette pâte jusqu’à ce qu’elle finisse, hors de question de la jeter à la poubelle.
Vos plats sont élégants et soignés dans leur présentation, es à dire que le plaisir du palais commence par le plaisir des yeux ?
On attache le goût à ce que l’on voit, c’est très important de bien présenter un plat avant qu’il ne soit bon, bien sûr. C’est la « séduction food » et l’œil c’est ce qui attire avant tout. On doit déjà apprécier ce que l’on s’apprête à manger ! C’est une valeur ajoutée non négligeable, et pourtant négligée. Pour moi, les réseaux sociaux me servent en tant que vitrine accessible et rapide pour toucher un maximum de personnes et me faire connaitre. Ma page Instagram m’amuse car j’y poste mes propres photos de mes plats et reçoit des retours flatteurs de personnes qui souhaitent ensuite en savoir plus et découvrir mon univers culinaire.
(1) boule (pâte) faite à base de farine de maïs
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