Voici une toute nouvelle rubrique : DIASPO ! Car il est vital pour l’Afrique de créer des ponts avec ses diasporas pour se retrouver elle-même…
Cédric raconte : « L’histoire des Antilles est une histoire douloureuse. Et les divisions d’antan ont été orchestrées pour mieux nous dominer. Ici, le colorisme est roi ! Dans nos réalités, le ou la chabine est par exemple encore moins bien considérée, car de type africain avec les cheveux crépus, que le ou la mulâtre, qui a un parent blanc. Pourtant, sans voir les parents, je suis (comme nous tous) incapable de faire la différence.*
Durant l’esclavage, plus vous étiez clairs de peau, et plus vous pouviez aspirer à devenir libre, à monter l’échelle sociale et devenir riche. C’est resté dans les mémoires. Aujourd’hui, chabin(e)s comme mulâtres sont les descendant(e)s de femmes noires violées par leurs maîtres, il y a plusieurs siècles. Le degré de sang blanc définit encore ton rang dans la société. Les différentes teintes viennent aussi des différents métissages et brassages culturels qu’ont connu nos îles avec la venue des Indiens, des Asiatiques etc.
Il n’y a pas vraiment eu de travail de fond sur ces questions à l’endroit des populations ; ces notions dévalorisantes persistent donc toujours dans les familles. On constate parfois des diversités incroyables, même au sein d’une même famille et/ou d’une même fratrie. Ça crée quelques fois des préférences et donc des divisions au sein du clan.
Lire aussi Darkskin contre Lightskin
Dans la société, c’est pareil, quand tu as une peau plus claire, tu es mieux considéré professionnellement, socialement etc. Il est interdit de faire des recensements concernant la couleur de la peau en France, donc nous n’avons aucun chiffre pour appuyer cela, pourtant c’est un phénomène clairement véçu et ressenti par l’ensemble de la population. Par exemple, notre créole est symptomatique de ce que je dis, car truffé d’expressions péjoratives pour désigner les noirs. On entendra souvent par exemple, « noir comme le fond de la casserole ». Les gens disent aussi d’un enfant né clair « qu’il a échappé à la malédiction de la peau noire » par exemple. Entre nous, on se rabaisse et on se discrimine, c’est assez triste !
Dans les îles anglophones comme la Jamaïque, lorsque j’ai un peu voyagé j’ai constaté que les femmes se décapent très souvent la peau, c’est moins le cas dans les Antilles françaises. Elles se défrisent aussi souvent les cheveux, par facilité, disent-elles. Je ne suis pas une femme, donc je ne peux me mettre à leur place, mais en tant qu’homme, je n’apprécie pas les femmes qui n’assument pas ce qu’elles sont et cherchent à trop changer leur nature. Après, la société ne les y aide pas non plus. J’ai eu le cas d’une amie a qui on a demandé si elle était malade et déprimée simplement parce qu’elle avait laissé ses cheveux au naturel, au lieu de se les défriser et lisser. C’est fou ! Je connais aussi beaucoup d’enfants qui n’ont jamais vu les cheveux de leurs mamans au naturel, car elles passent leur temps entre défrisages, tissages et perruques.
Pour montrer à tous que « Black is Beautiful », le travail des associations locales est primordiale. Je pense que cela commence à faire comprendre à la majorité d’entre nous, notamment à la nouvelle génération, qu’il faut voir les choses et agir différemment. En cela, la médiatisation des stars et du peuple américain aide beaucoup tout comme la mise en avant du mouvement « nappy ». Ainsi, je vois que chez nous, davantage de noirs sont fiers de leurs racines africaines, de leurs apparences etc. Ils parlent de visiter l’Afrique, de se reconnecter avec la terre et d’aller connaitre leurs racines. Peu parlent de s’y installer car cela serait un changement radical pour la plupart, mais pour beaucoup, leurs origines africaines les appelent et interpellent. Ils ont soifs d’en savoir plus!
* Aux Antilles françaises, on appelle chaben ou chabin, le féminin est chabine, les « individus ayant la peau claire mais des traits africains et les cheveux crépus, issus de deux parents antillais, et parfois aux yeux et cheveux clairs, des caractéristiques assez rares en raison du caractère récessif des gènes de couleurs européennes des yeux et des cheveux. »1 Ils sont les enfants issus de deux parents métissés. Il ne faut pas confondre un chaben et un mulâtre, qui lui a, d’une part un parent europoïde (blanc en général), et d’autre part un autre parent noir (ou deux parents mulâtres), ce qui en fait un individu de type afro–caribéen ou afro-européen avec la peau claire. Cependant, l’amalgame reste répandu et très peu contesté, si bien que les deux notions sont, dans la vie courante, synonymes.
.